Sahel : Macron doit « reconnaître que sa stratégie a échoué »
La politique française au Sahel menée au nom de « la lutte contre le terrorisme », est décriée de toute part.
Les experts sont unanimes à dire que la « France est bel et bien ensablée dans une guerre contre-insurrectionnelle qui met en évidence toutes les incohérences du narratif officiel sur le caractère global de la menace terroriste au Sahel ».
« Le président Emmanuel Macron doit reconnaître que sa stratégie visant à stabiliser la région du Sahel en combattant les groupes terroristes a échoué », estime en effet, le journal électronique américain Politico qui suggère que l’Union européenne intervienne pour inciter les pays de la région à engager des réformes politiques et économiques.
«Le président français, Emmanuel Macron refuse de reconnaître que sa stratégie pour stabiliser la région du Sahel en combattant les groupes terroristes a échoué après qu’un autre homme fort africain soutenu par Paris est mort la semaine dernière au Tchad», constate le média électronique, dans une chronique publiée ce mercredi.
Pour l’auteur de l’article, «la mort violente d’Idriss Déby met en évidence la faille fondamentale» dans la politique française en ce qui concerne la région du Sahel.
«En considérant l’instabilité dans la région comme un problème antiterroriste à résoudre par une action militaire, plutôt que comme un échec profond de la gouvernance et du développement économique, exacerbé par le changement climatique et la croissance démographique rapide, Paris s’est piégée dans une situation sans issue», relève Politico.
Il considère, en outre, que les partenaires de la France au sein de l’Union européenne, qui consacrent environ 1 milliard d’euros par an, à un programme majeur de développement, de formation à la sécurité et à l’aide humanitaire au Sahel, devraient se mobiliser là où la France a échoué.
En échange d’un soutien budgétaire continu au profit des pays du Sahel, l’Union européenne doivent faire pression sur les gouvernements des pays du Sahel pour mettre en œuvre leurs propres engagements de réforme. Politico rappelle que le Tchad, précieux allié de la France, est classé 187e sur 189 dans l’indice de développement humain des Nations Unies. «Il accueille le quartier général de l’opération Barkhane, la force française (lancée en 2014 pour combattre les groupes terroristes au Sahel), de 5100 hommes combattant des groupes terroristes dans une zone plus grande que l’Europe», indique le journal électronique.
Il signale également que le Tchad «fournit l’un des plus importants contingents de soldats de la paix de l’ONU au Mali et a récemment déployé
1200 soldats au Niger pour renforcer la Force conjointe transfrontalière créée par les pays dits du G5 Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad et Mauritanie) pour lutter contre les groupes terroristes».
En échange de la solide aide militaire de Déby, la France «a longtemps fermé les yeux sur les violations systématiques des droits de l’Homme, la corruption et la parodie d’élections dans ce pays stratégiquement vital» et «lorsque les rebelles se sont approchés de trop près, les Français ont aidé le gouvernement à les repousser, par des frappes aériennes», rappelle la même source.
D’autre part, «le voyage de Macron à N’Djamena a marqué la bénédiction de la France pour la succession inconstitutionnelle du fils du maréchal-président, le général Mahamat Idriss Déby, à la tête d’une junte militaire qui a déclaré l’état d’urgence et dissous le parlement».
Depuis l’intervention de la France au Mali, en 2013, pour empêcher les groupes armés d’avancer vers la capitale, «la violence a englouti le Burkina Faso et le Niger voisins et menace de s’étendre aux Etats côtiers plus prospères de l’Atlantique au golfe de Guinée», constate le journal américain qui soutient que 2020 a été, pour le Mali, «la pire année» depuis le début du conflit.
«Macron s’oppose avec véhémence à toute négociation avec les terroristes au Sahel (…) Entretemps, les gouvernements du Mali et du Burkina Faso, sentant peut-être que le bouclier militaire français ne sera pas là pour toujours, ont ouvert des canaux avec certains groupes armés pour explorer au moins la possibilité de trêves locales», note Politico.
«L’UE devrait soutenir ces dialogues et déployer ses moyens financiers au Sahel pour promouvoir la réforme de la gouvernance, la réconciliation nationale, le règlement des différends au niveau communautaire et la protection des civils afin que les causes sociales et économiques profondes de l’instabilité puissent être correctement traitées», souligne Politico.
La France ne semble donc pas en avoir terminé avec le Sahel, quand bien même l’Élysée tend aujourd’hui à vouloir réduire la voilure de son dispositif militaire dans l’attente, sans cesse reconduite, d’une prise de relais par les forces armées du G5 Sahel et de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali).
M.M.H