Mort de George Floyd, racisme et « Autant en emporte le vent »
Quand un film fait polémique
Depuis la mort de Georges Floyd, un Afro-américain de 45ans, étouffé par un policier blanc lors d’une interpellation musclée, des centaines de milliers de voix s’élèvent contre le racisme aux quatre coins de la planète.
C’est dans ce même sillage qu’est née la polémique autour du film culte « Autant en emporte le vent » après la décision prise par la chaîne américaine HBO de le retirer provisoirement de son catalogue.
De roman à succès à film culte
Roman de Margaret Mitchell, paru en 1936 et auréolé du Prix Pullitzer en 1937, « Autant en emporte le vent » a connu une plus large audience auprès du public après son adaptation au cinéma par le réalisateur Victor Fleming. Sorti en 1939, le film interprété par Vivien Leigh, Clark Gable, Leslie Howard, Olivia de Havilland et Hattie Mc Daniel a reçu 8 oscars dont celui du meilleur second rôle féminin décerné à Hattie Mc Daniel devenant ainsi la première interprète afro-américaine à recevoir la célèbre statuette dorée.
Considéré par l’American Film Institute comme le 4e meilleur film américain de l’histoire du cinéma dans la catégorie « Films épiques », également qualifié comme l’un des meilleurs films de tous les temps et élu film préféré des Américains, « Autant en emporte le vent » se déroule en Georgie en 1861. C’est l’histoire de « Scarlett O’Hara, une jeune femme fière et volontaire de la haute société sudiste. Scarlett O’Hara a seize ans. Elle a devant elle l’avenir radieux d’une riche héritière de Tara, une importante plantation de coton. Mais la guerre civile est sur le point de plonger dans le chaos le pays tout entier, et Scarlett a le cœur brisé : Ashley Wilkes vient d’épouser une autre femme. Pour fuir son chagrin, elle va s’installer à Atlanta, impatiente de goûter à l’énergie d’une grande ville. Là, un certain Rhett Butler, à la réputation douteuse de contrebandier, commence à s’intéresser à Scarlett et son caractère rebelle. Un duel de séduction s’engage alors, et ils vivront ensemble les pires heures du siège d’Atlanta ».
Outre l’histoire d’amour entre les deux personnages principaux, le film qui dépeint en second degré une version romantique du Sud avec un personnel de maison noir, satisfait de sa condition et traité avec respect, n’était pas du tout en décalage avec la société américaine de la fin des années 1930 -époque de la sortie du roman et du film- où la ségrégation raciale était à son summum. D’ailleurs, c’est en vertu des lois raciales en vigueur dans cette Amérique ségrégationniste que Hattie McDaniel sera empêchée d’assister à la cérémonie de remise des oscars où elle se verra pourtant attribuer l’Oscar du meilleur second rôle féminin, devenant ainsi la première actrice afro-américaine à décrocher une telle distinction.
L’actrice noire, rendue célèbre par son personnage de Mammy sera également privée de l’avant-première du film à Atlanta. Par solidarité, l’acteur Clark Gable refuse dans un premier temps de se rendre à Atlanta avec le reste de l’équipe du film, si son amie Nattie n’en fait pas partie. Mais cette dernière va le convaincre d’y participer.
La communauté afro-américaine de l’époque accueille de façon mitigée le sacre de Nattie Mc Daniel, certains applaudissant sa brillante interprétation du personnage de Mammy, d’autres y voyant l’apologie du système esclavagiste.
Au cours de son histoire, le film va connaître quelques turbulences, comme ce fut le cas en 2017 où, suite aux événements de Charlottesville, la projection du film jugé « maladroit à l’égard du public afro-américain » sera suspendue dans un cinéma de Memphis.
Ces derniers jours, et suite aux dizaines de manifestations anti-raciales qui ont eu lieu dans diverses villes des Etats-Unis et dans plusieurs pays du monde, suite à la mort à Minneapolis de G. Floyd, tué par un policier lors de son interpellation, la polémique enfle à nouveau autour de cette œuvre cinématographique jugée révisionniste. HBO qui a décidé d’en suspendre la projection explique que ce retrait est momentané et souhaite « contextualiser » ce film au regard des préjugés racistes qui prévalaient à l’époque, avant de pouvoir le proposer à nouveau sur sa plateforme.
Déjà traduit en français, dès sa sortie en 1939, une seconde traduction est sortie en France le 11 juin, chez Gallmeister. Josette Chicheportiche, auteur de cette nouvelle version, a visiblement choisi de s’éloigner de la première publiée par Gallimard, en étant plus fidèle au roman d’origine.
Lamia.B