Presse en ligne : un texte réglementaire de régularisation et non une loi restrictive des libertés !
Un texte présenté comme étant la « mouture finale d’une loi relative à la presse électronique en Algérie », attribué au ministère de la Communication a été mis en ligne ce mardi 16 juin.
Le texte en question souligne en premier lieu qu’il s’agit du texte d’une future loi qui va régir le secteur de la presse numérique. Il énonce ensuite que les journaux en ligne seront soumis à l’obligation de choisir le point DZ comme domaine d’hébergement exclusif. De même que seuls les journaux en langue arabe seraient accrédités en vertu de cette prétendue loi.
Le texte de loi ainsi publié par ce site arabophone rappelle les remarques suivantes, selon une source digne de foi au fait des arcanes du dossier :
- Il s’agit d’un texte réglementaire en voie de finalisation après des enrichissements apportés par différents secteurs gouvernementaux. Il est question donc d’un décret exécutif, c’est-à-dire d’application de la loi organique N°12-05 du 18 Safar correspondant au 12 janvier 2012 relative à l’information. Ce texte d’application est élaboré sur décision du président de la République qui a ordonné de mettre la presse en ligne en conformité avec le droit. L’idée de base est de faire sortir ce pan entier de la presse nationale de sa zone d’ombre en permettant aux journaux en ligne d’activer en toute légalité, sous la lumière, sur la base d’un registre de commerce et après enregistrement auprès des services compétents du ministère de la Communication. Ce qui leur permettra de bénéficier éventuellement, et à bon droit, de la publicité en provenance des annonceurs publics et privés.
- Les journaux en lignes actuels, qui seraient au nombre de 150 au moins, dont près d’une centaine enregistrés au ministère de la Communication, et les futurs titres numériques, ne seront pas soumis à l’obligation de se domicilier exclusivement sur le domaine point DZ (.DZ). Cette clause, telle que mentionnée dans le prétendu texte de loi diffusé par le journal arabophone en question, est tout simplement une aberration. Un non-sens. Car cantonner les journaux en ligne dans cet espace domestique équivaudrait à les mettre dans un ghetto numérique asphyxiant.
- Le domaine DZ ne garantit pas la qualité des contenus et ne défendra en rien la souveraineté nationale. Défendre la souveraineté nationale, c’est produire des contenus en flux importants et en qualité quel que soit le nom de domine et le pays de domiciliation. Cantonner les publications au seul domaine DZ, c’est également réduire l’audience des titres algériens. Surtout que le nom de domaine DZ, enregistré en 1995 auprès d’ICANN (l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbersqui gère le système de noms de domaine (DNS), n’est pas un gage de réussite ou de qualité. En effet, et malgré sa gratuité, le nombre de noms de domaine en “.dz” ne dépasserait pas actuellement les 10.000, ce qui classe l’Algérie en queue de liste du Top 500 du classement des extensions de noms de domaine !
- Prétendre, comme le fait ce journal en ligne arabophone, que la presse numérique ferait l’objet d’une loi restrictive, en ce sens qu’elle ne prendrait pas en compte le principe d’antériorité, équivaudrait à mettre hors la loi les titres qui existent déjà !
- Prétendre cela, comme d’ailleurs faire croire que le passage exclusif par le domaine DZ et l’écriture dans la seule langue arabe sont une obligation stricte, c’est condamner les actuels journaux en français à disparaître. Et empêcher, par la force de la loi, la parution de titre en tamazight, langue nationale et officielle, de même qu’en anglais par exemple. Une monstrueuse aberration qui consiste à sortir une loi anticonstitutionnelle !
- Toutes ces allégations sont également contraires à la lettre et à l’esprit du sixième des « 54 engagements du président de la République Abdelmadjid Tebboune pour une Nouvelle République ». Durant la campagne électorale pour l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, le candidat Tebboune, chef de l’Etat algérien actuel s’est engagé effectivement en faveur « d’une presse libre, plurielle et indépendante, respectueuse des règles de professionnalisme, de l’éthique et de la déontologie, érigée en vecteur de l’exercice démocratique et protégée de toute forme de dérive ».
Tahar Ouchiche