Plaidoyer pour un grand ministère de l’Aménagement du territoire digne de ce nom !
(Par Noureddine Khelassi)
En septembre 202O, comme en septembre 2019, des inondations importantes ont touché plusieurs endroits de la capitale et de sa périphérie. A chaque fois que des pluies torrentielles tombent sur Alger, les routes à grande circulation et l’autoroute périphérique se retrouvent ainsi inondées. En 2016, doline, précisément une parcelle de quatre mètres de longueur, de six mètres de largeur et sur une profondeur de quatre mètres, suite à un affaissement de terrain consécutif à de fortes précipitations, s’était créée sur l’autoroute de Ben Aknoun. Manque d’entretien des rocades et sous-dimensionnement du réseau de collecte des eaux de pluie ? Certainement, mais ce n’est là en fait qu’une partie du problème.
Il est vrai que le problème réside partiellement dans la mauvaise gestion des infrastructures de base. Car au lieu de régler durablement le problème, on se contentait souvent de rafistolage et de bricolage. Un problème particulièrement récurrent à Alger où l’on ne semblait pas avoir assimilé les enseignements des inondations meurtrières de 2001.
Des faits spectaculaires mais en vérité peu surprenants. Ces phénomènes itératifs sont le signe que le problème est global, endémique et structurel. Une partie d’Alger sous les eaux cette semaine, c’est un événement qui devait survenir de nouveau en raison de la combinaison de facteurs inhérents à l’hydrographie, la géomorphologie et la géodynamique. Et du fait même de la volonté humaine d’en tenir compte peu ou prou en construisant notamment des routes à grande vitesse, ou bien en bâtissant dans des zones inondables et dans les lits de oueds, comme c’est le cas dans le quartier bien-nommé de Ruisseau édifié dans le lit de Oued Kniss ! Il n’y a pas à ce sujet de fatalité ou de main providentielle vindicative, qu’on se le dise une fois pour toute ! L’autoroute Alger-Zéralda où l’éboulement s’était produit à hauteur de Ben Aknoun en est d’ailleurs un des cas typiques.
Cela relève donc du principe même de construire dans des zones traversées par des cours d’eau ou des eaux souterraines en abondance, comme c’est le cas d’Alger et de sa couronne. La capitale et sa périphérie comptent en effet plusieurs oueds et une multitude de gaves, rus, ravines et ruisseaux. La ville est elle-même traversée en différents points par trois grands oueds : Oued Kniss, Oued M’kacel et Oued Béni Messous. Ces trois voies d’eau ont leur source au massif de Bouzaréah qui domine Alger dans le Nord-ouest et se prolonge en pente douce vers le plateau d’El Biar et les coteaux du Sahel. Il constitue un important château d’eau naturel, alimenté par les pluies abondantes et quelquefois la neige.
Sous les pavés, le béton et le bitume, il y a donc de l’eau. D’où la nécessité vitale d’en tenir compte lors de toute construction. Surtout d’en aménager les bassins et les environs. Prendre surtout en compte l’hydrologie, la géomorphologie et la géodynamique pour évier des inondations cruelles comme celles de Bab El Oued en 2001 ou le cratère au beau milieu de l’autoroute ! On ne construit rien malgré la nature ou contre elle ! On édifie avec elle, en l’aménageant et en la ménageant. Et si on n’intègre pas cette donnée philosophique essentielle, on ira au-devant de nouvelles graves déconvenues car la nature reprend toujours ses droits !
Il faudrait donc, entre autres tâches salutaires, dépoussiérer les études des inondations établies par l’ANRH, l’Agence nationale des ressources hydriques, qui montrent bien que le pays est confronté en permanence au phénomène des crues et des inondations destructives. Des crues qui apparaissent suite à des pluies intenses et de courte durée. Il devient plus que jamais nécessaire de concevoir ou de redéfinir des méthodes de calcul des crues et de ruissellement, à travers la mise en place d’hydrogrammes à jour des précipitations et des crues pour les cours d’eau et les oueds, au profit des ingénieurs et des divers aménagistes. Au gouvernement actuel, on doit normalement en avoir conscience. Dans un gouvernement précédent, et lors d’un déplacement à Béchar, ville confrontée aux crues de l’Oued éponyme, à l’instar des dégâts que causent par ailleurs les Oueds Zousfana et Saoura, le ministre des Ressources en eaux de l’époque avait affirmé que des solutions durables devaient être apportées en matière d’aménagement des oueds et autres cours dans le pays, particulièrement ceux situés en milieu urbain.
Mais il ne suffit pas d’en avoir seulement conscience. Il faudrait tout faire pour capter, collecter, drainer et canaliser les eaux pour éviter qu’elle ne produise leurs effets catastrophiques. D’où l’absolue et urgente nécessité de doter le gouvernement d’un ministère de l’Aménagement du territoire digne de ce nom. Un grand département doté des moyens humains et financiers et des prérogatives idoines. Un ministère qui deviendrait un progiciel, une boîte noire, un guichet d’assurance technique pour tous les constructeurs en zones inondables et en terrains contenant des eaux souterraines. Bref, une assurance tout risque ! Et le plus vite serait le mieux !
N.K.