Le Maroc, est-il gouverné par un roi-fantôme ? Les sujets de sa majesté sont en droit de se poser légitimement cette question au regard des absences et escapades par trop nombreuses et inquiétantes du roi Mohamed VI.
Depuis le début de son règne, Mohamed VI s’est souvent absenté de son royaume. Ses séjours à l’étranger sont cependant devenus de plus en plus fréquents et cette année, il a probablement battu un record.
Pendant les six mois du milieu de l’année, entre le 1er avril et le 30 septembre, il est resté 81 jours en dehors du Maroc, c’est-à-dire 45 % de son temps. Selon les informations rapportées par la presse marocaine, le souverain a été, du 7 avril au 14 mai, successivement en vacances en famille à Cuba et en Floride, puis seul à Paris et à Betz, un village de l’Oise où la famille royale possède un château au milieu d’un parc de 70 hectares ; du 6 au 14 juillet et du 21 au 31 août, il est encore retourné en France. Enfin, il est revenu à Paris le 4 septembre, pour se faire opérer 48 heures après d’un Ptérygion à l’œil gauche qui s’étendait sur la cornée.
Un repos qui s’éternise
L’opération, pratiquée à l’hôpital des Quinze-Vingts, aurait pu être faite au Maroc. « Il s’agit d’une intervention ophtalmologique banale, largement maîtrisée par nos compétences locales », signalait le docteur Othmane Boumaalif dans le journal numérique marocain Le Desk.
Le professeur Jean-Philippe Nordmann, chef de service, et Abdelaziz Maaouni, médecin personnel du roi, ont prescrit à Mohamed VI « un repos de 15 jours », selon le communiqué signé conjointement le 6 septembre.
Son séjour à Paris durera cependant 23 jours. Mohamed VI est finalement revenu au Maroc le 30 septembre et, comme c’est souvent le cas lors de son retour, il a eu pendant 48 heures une intense activité.
Il a notamment présidé le 2 octobre un conseil des ministres consacré, entre autres, au programme de développement d’Al Hoceima, la capitale culturelle de la région frondeuse du Rif qui lui a donné tant de fil à retordre depuis fin octobre 2016. Souvent, ce sont les inaugurations qui se succèdent, à peine le roi rentré au pays. Nombre d’entre elles ne sont pas vraiment du niveau d’un chef d’État.
Le roi a inauguré, par exemple, une piscine municipale à Oujda en juillet 2008, une tâche qui en Europe reviendrait à un conseiller municipal ou, tout au plus, à un maire. Puis, le lendemain, le 3 octobre, il est à nouveau reparti sur Paris pour subir un contrôle postopératoire, selon Le 360, le journal en ligne le plus proche du Palais. La Société française d’ophtalmologie explique, sur son site, qu’après cette opération « les soins sont limités à l’instillation de gouttes et l’application d’une pommade », ainsi qu’à une protection oculaire pendant deux ou trois jours.
Que des « rendez-vous manqués »
Pour se soumettre à cette révision, Mohamed VI est pourtant resté en France dix jours, jusqu’à la veille de la réouverture des deux chambres du Parlement, le 13 octobre. Juste avant, du 10 au 12 octobre, le premier ministre russe Dimitri Medvedev avait effectué sa première visite officielle à Rabat, mais il n’a pas été reçu par le souverain qui se trouvait encore entre Betz et Paris.
Saad-Eddine El-Othmani, le chef du gouvernement, a transmis à son hôte russe « les excuses [du roi] qui, pour des raisons de santé, ne peut se réunir avec vous (…) », selon l’agence de presse moscovite Itar-Tass. La presse marocaine n’a quant à elle donné aucune explication sur cette audience royale à Medvedev, annoncée par certains journaux comme L’Économiste, mais qui finalement n’a pas eu lieu. Elle a rapporté, en revanche, que le souverain avait offert un déjeuner à Medvedev, oubliant parfois de préciser qu’il n’y était pas présent.
Le « lapin » posé à Medvedev n’est pas vraiment une surprise. La liste des rendez-vous manqués par le monarque est longue. L’un des plus frappants fut son absence — il était encore en France — lors de la visite à Rabat de Tayyip Recep Erdogan, alors premier ministre de Turquie, en juin 2013.
Celui-ci écourta son séjour et renonça à recevoir le titre de docteur honoris causa de l’université Mohamed V, laissant ainsi entrevoir son mécontentement. El Othmani, à l’époque ministre des affaires étrangères, avait pourtant annoncé à l’agence de presse turque Anadolu que le roi serait bien à Rabat pour recevoir l’hôte turc. Toujours est-il que ces trop nombreuses et handicapantes absences sont devenues le sujet de conversation inconfortable au Makhzen et chez les gens fréquentant ses palais royaux.