Le rêve toujours présent
Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre. Car l’histoire est la mémoire d’une nation. La mémoire, c’est l’identité.
La mémoire fait partie de notre être, oublier, c’est mutiler son âme, c’est dessécher son cœur ; oublier c’est cesser d’être homme, c’est cesser d’être une nation. La mémoire est la faculté qui retient les choses, c’est l’étui, de l’histoire, de la science, de la culture et de l’identité.
L’autre devoir par rapport à l’histoire de la nation et du monde, c’est d’enseigner et de transmettre. Il ne faut pas oublier que l’Algérie à l’aube de l’indépendance, et après les lourds sacrifices consentis pour sa liberté, fut une jeune nation idéaliste, devenant la Mecque de tous les révolutionnaires et opprimés du monde.
En réalité, la Déclaration de Novembre fut non seulement un texte fondateur mais aussi visionnaire sur tous les plans. Après l’indépendance, quel qu’en soient les difficultés vécues à l’époque par le pays et les dissensions internes, l’Algérie, en tant que république indépendante issue de la proclamation de Novembre, l’Algérie de Ben M’hidi, de Zabana, de Mustapha Ben Boulaid, de Amirouche, de Didouche Mourad, de Hassiba Ben Bouali, de Fernand Yveton, de Franz Fanon et de Djamila Boupacha avait fait preuve d’une solidarité active et agissante sans pareille dans le concert des nations, à l’égard des mouvements de libération disséminés à travers le globe, des révolutionnaires vietnamiens, cambodgiens, laotiens, au Québec libre, en passant par les révolutionnaires sud-américains contre les dictatures, les révolutionnaires chiliens, argentins, uruguayens, brésiliens et péruviens, sans oublier les mouvements africains contre le colonialisme portugais, espagnol, ou contre l’apartheid criminel avec la présence dans ses maquis du légendaire Nelson Mandela et bien entendu contre le colonialisme sioniste qui est venu se greffer en Palestine, en tuant, massacrant et expulsant les populations autochtones.
Sans occulter les mouvements autonomistes européens ou en lutte contre les dictatures, comme le FLN Corse, les Basques, les Bretons, le PSOEspagnol, les Grecs, ou les Irlandais, le MPAIC , mouvement autochtone de libération des Iles Canaries, les mouvements blacks américains comme les blacks panthers en lutte pour l’égalité ou les droits civiques dans une Amérique prétendument démocratique qui excluait pourtant près du tiers de sa population en raison de la couleur de la peau ou de l’origine « raciale » et dont nous voyons encore les conséquences aujourd’hui.
Et le rêve n’est pas arrêté, malgré les tourments et les soubresauts vécus par le pays depuis 58 ans. Le 1 juillet 1962 est aussi un important jalon l’histoire de l’Algérie.
C’est le jour du référendum d’autodétermination du pays et de l’écrasante victoire du oui à l’indépendance, oui à la liberté, oui à la souveraineté nationale, oui à la citoyenneté, oui aux fondements de l’identité nationale.
La cause était, en réalité, déjà entendue depuis le 19 mars 1962 et la conclusion du cesse-le feu après les accords d’Evian. Le colonialisme, malgré sa force et ses violences, n’a pas tenu devant la détermination, la résolution du peuple algérien, qui n’a pas lésiné sur les sacrifices, et les abnégations pour se libérer.
Massacres, enfumades, décollation des têtes, déportations, emprisonnements, tortures, dépossession de l’identité nationale, spoliation des terres et des biens, code de l’indigénat, déplacements des populations, conscription forcée, ségrégation sociale, économique, culturelle et spatiale, falsification de l’histoire du pays, dépravation des cimetières et des lieux sacrés, prédation des ressources naturelles, forestières et agricoles, et la liste des « bienfaits » de l’œuvre civilisatrice du colonialisme est encore longue. Afin que nul n’oublie.
Honorer la mémoire de nos martyrs, rendre hommage à ceux qui se sont battus pour libérer le pays, est un devoir national, une exigence inaliénable, qui n’est marqué par aucun ressentiment, aucun esprit de revanche ou un quelconque populisme démagogique.
Cette constante transcende les régimes politiques qui se sont succédé à la tête du pays, car c’est l’attachement indéfectible d’une nation entière et de toutes les générations post indépendance aux valeurs de liberté et de justice, et donc de la restauration de l’indépendance du pays, selon la déclaration de Novembre.
La lutte avait été implacable, car la glorieuse guerre de libération a été invincible, par l’adhésion populaire, par le sacrifice des martyrs, par le courage des moudjahidines et des fidaiyines, par le bruit des armes, par les actions des moussebilines, par le combat diplomatique, par l’engagement culturel, par l’enga- gement sportif, notamment de la mythique équipe de foot-ball du FLN historique, par la grève générale, par les manifestations populaires, par l’intransigeance face à un ennemi perfide et fourbe, qui n’a pas lésiné sur les moyens militaires, violents, persuasifs, psychologiques, l’abjecte torture et les disparitions et les exécutions sommaires pour casser la détermination des Algériens.
Le colonialisme a usé de tous les stratagèmes pour perdurer, tentant de diviser les Algériens, tentant de diviser le pays, vainement. Enfin, si le choix s’est porté sur la date du 5 juillet, pour fixer la date d’indépendance, proclamée en fait 2 jours plus tôt, c’est pour que l’histoire l’inscrive à jamais comme le glas du colonialisme, pas celui de la « conquête » coloniale..
Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre. 58 ans après l’indépendance et 66 ans après le déclenchement de la guerre de libéra- tion nationale , l’Algérie est entrée dans une nouvelle ère, et malgré les tourments, les tragédies, les soubresauts, et avec les avancées, le rêve est toujours d’actualité, la construction d’une république démocratique et sociale, une société plus libre, plus juste, inscrite dans la modernité, sans renier ses identités.
Le rêve toujours présent !
Yasmina HOUMAD