Le pays est confronté à une pauvreté extrême : Au Maroc « seule une minorité a la chance de recevoir une part du gâteau »
Le royaume chérifien est celui de tous les paradoxes. Alors que son souverain Mohamed VI s’offre que du luxe sans compter, ses « sujets », eux, vivent dans précarité extrême.
Un rapport récent de la Banque mondiale, fait ressortir en effet que le Maroc est l’un des pays de la région du Moyen Orient et d’Afrique du Nord qui souffre le plus de pauvreté et de restriction.
Dans le rapport, il est précisé que 60% des Marocains vivent dans la pauvreté et dans le besoin.
Cette partie de la population marocaine se divise en deux classes : les Marocains qui vivent dans la pauvreté extrême et les autres qui vivent dans un stade de pauvreté moyenne et qui sont privés de leurs droits les plus élémentaires.
Notamment l’éducation, la santé et enfin le droit au logement. En plus des droits élémentaires pour les enfants, tels le fait de jouer avec les autres enfants du même âge ou encore la lecture des livres.
Le plus grand taux de ces Marocains qui vivent au bord de la précarité extrême a été confirmé par le rapport onusien et a démontré que le Maroc fait partie des pays les plus pauvres d’Afrique, à côté du Zimbabwe, du Mali, de la Somalie et du Gabon. C’est dire que le « modèle économique » marocain, a « atteint se limites ». Le reportage réalisé dans ce sens par le journaliste Pierre Puchot pour le Monde Diplomatique, est tout simplement poignant.
« Où va le Maroc ? » s’est-il interrogé.
Personne ne sait répondre à cette question. Pas même le roi Mohammed VI. Il a officiellement reconnu les limites d’un modèle économique.
Dans leurs derniers rapports, la Cour des comptes, la Banque Al-Maghrib (la banque centrale) et le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ont tous trois alerté sur les problèmes structurels du pays », écrit encore le journaliste français.
Pour lui, au Maroc, « seule une minorité a la chance de recevoir une part du gâteau », d’autant que Maroc de Mohammed VI change d’allure dès que l’on évoque les indices qui comptent : compilation de tous les facteurs qui révèlent l’état d’une société, l’indice de développement humain (IDH) établi par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ne ment pas : en 2019, le pays s’y classait à la 121e place dans la catégorie « développement humain moyen », loin derrière l’Algérie (82e) et la Tunisie (91e), qui tous deux figuraient dans la partie « développement humain élevé ».
De quoi agacer l’élite marocaine, qui, vantant les mérites du royaume, insiste souvent sur les situations conflictuelles chez ses voisins.
Cette 121e place traduit une réalité très crue. « Il y a 10 % de citoyens en situation de pauvreté extrême, totale », explique Taïeb Aisse, spécialiste du développement territorial, qui collabore avec le gouvernement actuel, dominé par le Parti de la justice et du développement (PJD, à référentiel islamique). « C’est-à-dire qu’ils n’ont rien. Aucun revenu. C’est très dangereux ! » Outre ce dénuement absolu, la classe moyenne souffre elle aussi de l’écart abyssal entre ce que l’on nomme ici la « vitrine » et le pays réel.
Le pays a pris du retard dans l’éducation et de la santé
Aux portes de Casablanca, sans infrastructures ni transports, des cités bâties à la hâte rappellent les choix de la France au cours des années 1950-1960, dont ses banlieues ne se sont jamais remises. On ne résorbe pas ici la pauvreté : on la déplace, loin des centres-villes et des visiteurs étrangers.
« Le Maroc, c’est simple : il n’y a rien à faire, la galère est partout, même pour retirer le moindre papier administratif… On te traite comme un insecte », soupire Mme Samira, 30 ans, enseignante dans un collège public de la ville.
Son expérience personnelle illustre le retard du pays dans l’un des domaines pris en compte par le PNUD pour son classement : l’éducation.
Deuxième critère, lui aussi pris en compte dans le classement de l’IDH : la santé. « Au Maroc, c’est simple : c’est tout un système de santé qu’il faudrait créer », déplore Othmane Boumaalif.
À 38 ans, ce médecin généraliste appartient à la génération des militants du mouvement dit « du 20-Février », apparu en 2011 dans le sillage des révoltes populaires en Tunisie et en Égypte. Il préside Anfass (« souffles » en arabe) démocratique, une association qui produit régulièrement des notes sur l’économie et la société.
« Le problème est structurel : nous n’avons pas de première ligne, le médecin traitant qui ausculte puis oriente le patient selon sa pathologie.
Au Maroc, le patient va soit chez le médecin, s’il obtient un rendez-vous avant six mois, soit au centre hospitalier universitaire [CHU], quand il existe, soit au dispensaire… C’est le chaos total, et les gens ont souvent recours à l’automédication. » Que pense-t-il des établissements flambant neufs construits en partenariat avec les États du Golfe ?
« On bâtit une poignée d’hôpitaux-vitrines, très bien équipés. Mais personne ne peut se les payer ! À côté, le Maroc demeure un gigantesque désert médical, d’autant que beaucoup de nos praticiens émigrent en Allemagne, où leur diplôme est désormais reconnu. »
Climat délétère et répression contre le « hirak »
« Parler de nouveau développement sans réforme du mode de gouvernement est une perte de temps, juge Othmane Boumaalif.
« Nous devons aller vers un nouveau pacte social, une monarchie parlementaire. L’affaire de la gouvernance, c’est l’affaire du peuple marocain. Le palais demeure sourd à ce discours.
Depuis le début des manifestations, en 2017, plusieurs centaines de manifestants ont été condamnés, pour certains à vingt ans de prison ferme.
Fin 2019, cinquante-cinq étaient toujours détenus. Début février, plusieurs d’entre eux entamaient une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention.
« Et pourquoi ? Pour avoir demandé de l’eau, de l’électricité, des services publics, sans violence ! », soupire Mme Amina Khalid, coordinatrice de l’aide aux familles des prisonniers du hirak. « Cela me rappelle les années Hassan II. La répression est de nouveau une politique d’État au Maroc », regrette cette fille de militants de l’Union socialiste des forces populaires (USFP). Signe d’une impatience grandissante au sein de la population, des milliers de personnes ont défilé le 23 février dans les rues de Casablanca pour dénoncer la baisse du pouvoir d’achat, l’ampleur de la corruption et la dégradation des droits humains.
« Le Marocain a été tellement touché qu’il ne croit plus en rien, soupire Mme Khalid. On n’a tout simplement plus d’espoir ; on attend.
Dj. Am/Le Monde Diplomatique