La France reconnait officiellement l’avoir torturé et assassiné : L’immortel Ali Boumendjel
« Ma vie de femme s’est arrêtée le 23 mars 1957. C’était un dimanche. Mon plus jeune frère est arrivé en criant: «Ali s’est suicidé!» Il tenait un journal à la main. Je me suis sentie comme anéantie et, en même temps, je n’arrivais pas à y croire. Quelques jours auparavant, on nous avait prétendu qu’Ali, arrêté par l’armée quarante-trois jours plus tôt, avait fait une tentative de suicide. Il avait prétendument essayé de se couper les veines avec ses lunettes. Plus tard, j’ai appris qu’il souffrait en réalité de multiples blessures au poignard faites au cours de ses interrogatoires. C’était l’une des méthodes favorites du sinistre lieutenant Charbonnier… », témoignait la femme Ali Boumendjel en mai 2001 sur les colonnes du journal français le Monde en quête de réponse quant à la disparition de son mari.
« Ce dimanche 23 mars, je me suis précipitée à l’hôpital militaire Maillot, puis au tribunal militaire. J’ai expliqué mon histoire à un jeune du contingent. Il est allé s’informer auprès de ses chefs, et, quand il est revenu, il avait l’air troublé et a bredouillé: «Je ne peux rien vous dire, allez voir au commissariat central.» C’est ce que j’ai fait. Là, le commissaire Pujol m’a reçue et il m’a dit tout de suite: «Vous ne le saviez pas ?» C’est comme cela que j’ai appris la mort d’Ali. J’ai eu l’impression de plonger dans des ténèbres absolues », se souvient veuve Boumendjel
« Je ne connais pas les circonstances exactes de la mort de mon mari. Je n’ai même pas eu le droit de voir son corps. Seuls, deux médecins de la famille l’ont aperçu, car ils avaient été appelés pour l’identifier à la morgue d’Alger. J’ai su par la suite que l’un d’eux avait dit à ma famille: « Ne la laissez pas voir le corps, elle ne s’en remettrait pas » avait-elle ajouté. Un plus d’un demi-siècle après les faits, la vérité a fini par éclater.
Soixante quatre après, presque jour pour jour, la France officielle reconnait enfin que le militant Ali Boumendjel, avait été « torturé et assassiné » en 1957 par l’armée française, qui avait maquillé ce meurtre en suicide.
« Au cœur de la bataille d’Alger, il fut arrêté par l’armée française, placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957 », a en effet affirmé Emmanuel Macron, cité dans un communiqué de l’Elysée.
Ali Boumendjel est arrêté le 9 février 1957, pendant la bataille d’Alger. Il est détenu en divers lieux de la région d’Alger et torturé.
Il est assassiné quarante-trois jours après son arrestation, le 23 mars 1957, sur ordre du commandant Paul Aussaresses, ancien responsable des services de renseignements à Alger, qui avoua lui-même avoir ordonné à l’un de ses subordonnés de le tuer et de maquiller le crime en suicide».
Ali Boumendjel a été jeté du sixième étage d’un immeuble abritant un centre de torture, situé à El Biar sur les hauteurs d’Alger, permettant de maquiller son assassinat en suicide par défénestration.
Une vie pour l’Algérie
Avocat engagé, humaniste et un pacifiste, Ali Boumendjel, avait été, assure sa femme, le conseiller politique d’Abane Ramdane l’ « idéologue » de la « révolution algérienne ».
« Bien avant l’insurrection, il était choqué par ce qui se passait en Algérie, en particulier dans les commissariats. La torture y était déjà largement pratiquée, et cela nous scandalisait », avait-elle révélé dans son témoignage au journal le Monde.
Père de quatre enfants âgés de sept ans à vingt mois: Nadir, Sami, Farid et la petite Dalila, le jour de son arrestation.
Il est né le 24 mai 1919 à Relizane au sein d’une famille originaire de Beni Yenni wilaya de Tizi-Ouzou. Il est le fils de l’un des premiers instituteurs kabyles installés dans l’Oranie.
Torturé et exécuté par les parachutistes du général Massu lors de la bataille d’Alger durant la guerre d’Algérie, son assassinat est alors maquillé en suicide.
Boumendjel fait son cursus scolaire à Larbaâ. Brillant élève, il décroche une bourse qui lui permet d’entrer au collège Duveyrier de Blida, « pépinière nationaliste » où il rencontrera d’autres militants du nationalisme algérien telles qu’Abane Ramdane, Benyoucef Benkhedda et Saâd Dahlab.
Après le lycée, il suit les traces de son frère ainé, Ahmed Boumendjel, et fait des études de droit. Il le suit également sur le terrain politique, puisque son frère est proche de Ferhat Abbas, et que Ali devient journaliste à L’Égalité, organe des Amis du manifeste et de la liberté.
En 1946, à la création de l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA) il en devient membre et devient, après 1954, l’avocat des nationalistes algériens. En 1955, il intègre le Front de libération nationale (FLN), et fait la liaison entre l’UDMA et le FLN. Gloire à nos martyrs.
La Patrie News