Extirper le ver du fruit Algérie
Par quoi commencer ? Nous ne voulons nullement être des pessimistes en herbe, mais la situation en Algérie nous interpelle à plus d’un titre, une situation explosive voulue par des personnes aux mauvaises intentions et portée par un nombre indéterminé d’algériens, obnubilés par une réussite financière aux relents nauséabonds, des images surréalistes d’une vie fastueuse et hollywoodienne et les idées préconçues de gouvernants toujours plus rapaces les uns que les autres. Qu’on en juge !
La pomme de terre à 85 DA le kilo en gros : c’est-à-dire qu’elle va arriver dans nos couffins, pardon, nos sacs noirs en plastique, entre 100 et 110 DA. Les pommes tout court, sont presqu’introuvables et sont vendues à partir de 550 DA le kilo, mais elles sont immangeables car gardées trop longtemps (au chaud ou au froid ?) pour faire augmenter leurs prix. La tomate à 160 DA, le poivron à 150 DA, l’oignon à 75 DA et les autres légumes voient leurs prix s’envoler sans avertir.
Le poulet revient à 400 DA le kilo et plus : l’effet suppression des taxes sur les aliments du bétail s’est très vite dissipé, le poulet, après être descendu à 340 DA pendant moins d’une semaine, se souvient qu’il y a certainement d’autres revendications –beaucoup d’argent à gagner- et affute de nouveau ses armes pour faire fléchir les pouvoirs publics.
Le lait introuvable à 25 DA le sachet : ou alors il vous faut faire le pied de grue devant l’un ou l’autre des centaines de magasins de votre quartierpendant plusieurs heures pour guetter l’arrivée du camion livreur et espérer bénéficier de la magnanimité du commerçant pour retourner fièrement à la maison avec deux sachets de lait. Sinon, vous prenez votre voiture (si vous en avez) et vous vous dirigez vers des quartiers bien connus de tous pour trouver des … montagnes de sachets de lait mais à … 30 et 35 DA le sachet.
Et il y aussi l’huile qui a fait une timide réapparition mais en ayant gagné quelques dizaines de dinars en plus, les fromages et autres produits laitiers vendus deux fois plus chers qu’il y a une année.
Et le pain ? Alors là, les boulangers ne gagnent pas assez et ils sont donc obligés de vous vendre différentes sortes de pains à partir de 15 DA la baguette (de combien de grammes ?), un prix qui peut arriver jusqu’à 50 DA. En effet, lorsque vous demandez un pain normal, on vous répond qu’il n’y en a plus mais il y a le ‘Scoubidou’, un peu qui a été un peu tordu pour vous tordre le porte-monnaie, il y a le pain de seigle, le pain brioché, le pain de … et il y a les brioches. Mais, surtout, ne demandez pas un pain normal à 10 DA, ou plutôt si, vous en trouverez à l’entrée des marchés, dans des paniers métalliques ouverts à toutes les impuretés et bourbiers, que tout le monde touche, tâte, teste, remet à l’intérieur, choisit, laisse choir dans la boue, lui transmet les microbes de ses mains et qui coute … 15 DA.
Le parking à 50 et 100 DA : malgré les différentes campagnes organisées par les services de sécurité concernés, le phénomène est toujours là, peut-être avec plus d’acuité. Le jeune ou le moins jeune, armé d’un gourdin, d’un gilet vert et jaune et d’une mine patibulaire vous enjoint de lui remettre 50 ou 100 DA, sinon et dans le meilleur des cas vous serez couvert d’injures et tout le monde vous regarde d’un drôle d’air.
La priorité, c’est quoi déjà ? Quand vous conduisez, ne vous amusez surtout pas à respecter la priorité à droite, à gauche, devant ou derrière. On vous traitera de tous les noms d’incapables, d’imbéciles et vous n’avancerez jamais, cloués à votre place par les klaxons rageurs et les insultes des autres, de tous ceux qui savent conduire mieux que vous. Emprunter un sens interdit, garer sur le trottoir, en deuxième ou troisième position est devenu chose courante, il ne faut surtout pas s’en étonner car vous serez taxé d’attardé comportemental !
Par quoi commencer, la réponse est venue mais par quoi s’arrêter ? Le pourrons-nous, d’ailleurs ? Il reste encore des milliers d’autres comportements que nous ne pourrons pas citer ici car c’est un livre qu’il faudrait écrire.
Mais la question qui se pose : pourquoi cela ? Nous constatons que tout tourne autour de l’argent, que la plupart d’entre nous voudraient acquérir de n’importe quelle manière, pourvu que ce soit le plus possible. Pourquoi le prix de la pomme de terre passe-t-il du simple au double en l’espace de quelques jours ? Pourquoi tous les prix de tous les produits ont-ils connus ces hausses vertigineuses ? Qui donc pratique ces hausses, le gouvernement ou une grande partie de la population ? Faut-il mettre un policier derrière chaque citoyen pour qu’il respecte la loi ? Et ce policier, qui le surveillera ?
L’Algérie est un pays riche par ses enfants et par ce qu’il recèle, nous pouvons vivre tous de manière aisée, pourquoi avons-nous perdu tout sens de nationalisme ? Pourquoi sommes-nous devenus ainsi ?
Lorsque nous faisons ces remarques, on nous dit que c’est l’absence de l’Etat, oui, c’est vrai mais la responsabilité collective de l’ensemble des citoyens est bien plus grande, l’Etat a d’autres soucis que de nous apprendre à vivre ensemble, que de nous empêcher de nous entre-déchirer, que de courir derrière les commerçants, les voleurs, les parkings sauvages et la rétention de marchandise. Nous sommes musulmans, essayons de nous comporter comme tels, il ne sert à rien de faire l’aumône avec de l’argent mal acquis.
Mais le gros problème demeure que lorsque nous parlons de toutes ces tares, c’est tout le monde qui affirme que c’est vrai, que nous devrions …. Que nous ne devrions pas …. Mais qui sont-ils ceux qui font de la rétention, qui augmentent les prix des produits de première nécessité, qui nous arnaquent sur la qualité et sur le poids ? Qui sont-ils ceux-là qui veulent s’enrichir à tout prix dans les meilleurs délais ?
L’Etat essaie d’aider tous ceux se donnent la peine de créer de la richesse, mais l’Etat ne pourra rien faire si nous continuons de la sorte, il faut que chacun d’entre nous ait la foi en notre beau pays, que nous nous entraidions pour le bien de tous, que nous changions nos mauvaises habitudes pour regagner le concert des nations développées.
Dernière image malheureuse. Depuis quelques temps, le relâchement est constaté même dans les mosquées et de nombreux fidèles, avions-nous rapporté dans un autre article sur le sujet, ne portaient plus de masque de protection. Aujourd’hui, lorsque nous nous sommes dirigés vers la mosquée pour la prière de l’Icha, nous avons été agréablement surpris de voir que de jeunes volontaires distribuaient des masques à ceux qui n’en portaient pas. Mais il nous a fallu déchanter car la raison pour laquelle les masques étaient distribués était que l’imam principal de la commune se trouvait là pour une tournée d’inspection, comme quoi même dans la maison de Dieu on a plus peur des responsables que de Dieu. C’est malheureux et décevant car les responsables de la mosquée auraient dû veiller à une plus stricte application des mesures de sécurité non pas par peur des sanctions mais pour éviter d’éventuelles contaminations, et c’est là l’essence même de ces mesures, et d’autre chose de plus profond encore. D’où la nécessité d’extirper le ver du cœur du fruit Algérie.
Tahar Mansour