Diplomate américain à l’entregent légendaire : Christopher Ross explique pourquoi il faut abroger l’annonce de Trump sur le Sahara Occidental
S’il n’y a jamais de hasard en politique, le diplomate américain, et ancien envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara Occidental Christopher Ross, n’a sans doute pas choisi pour rie, la date d’aujourd’hui pour rendre publique une discussion qu’il a eu avec deux anciens hauts responsables américains réputés proches de Donald Trump, Elliott Abrams et John Bolton en l’occurrence.
Cette sortie médiatique intervient en effet à trois jours d’une réunion capitale, voire décisive du conseil de sécurité sur le Sahara Occidental. Abrams, faut-il le rappeler, est derrière les accords de normalisation entre l’entité sioniste et plusieurs Etats ou monarchies arabes. « Elliott Abrams, John Bolton et moi avons abordé la question suivante dans un programme au Barreau de New York : Le président Biden devrait-il soutenir la décision de l’ancien président Trump de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ? Abrams a défendu la décision, tandis que Bolton et moi avons demandé qu’elle soit annulée. Bolton l’a fait parce qu’il croyait qu’un référendum pour déterminer l’avenir du territoire reste possible et devrait être organisé. Je l’ai fait à cause du mal que la décision causera ».
Ces réponses montrent que les Américains, même conservateurs et républicains, soutiennent l’autodétermination du peuple sahraoui, ce qui est conforme à leurs doctrines et aux principes fondateurs de leur nation la décision de Trump était donc d’une gratuité et d’une cruauté tout simplement gratuite. Les relations maroco-sionistes, quoiques secrètes, ont toujours relevé du secret de polichinelle. Trump n’avait donc pas besoin de recourir à cette grossière vente concomitante pour obtenir la reconnaissance de ses amis et alliés sionistes de la part du royaume chérifien. La méconnaissance-crasse du dossier sahraoui de la part de Jared Kouchner gendre de Trump et artisan de ce deal bas et mesquin, est trahie par sa façon d’appeler les sahraouis « peuple Polisario ».
Voilà pourquoi « La décision de Trump était gratuite, mal considérée et dangereuse. Jusqu’à présent, aucun autre grand pays – même pas la France – n’a suivi le chemin, et pour de bonnes raisons ». Au reste, l’entité sioniste elle-même n’a pas osé emprunter ce chemin aventureux, comme le prédisait depuis quelques mois l’expert Yahia Zoubir dans l’entretien qu’il nous avait accordé.
« La décision était gratuite parce que la transaction implicite impliquant les relations du Maroc avec Israël était inutile. Les relations marocano-israéliennes sont connues de longue date ». Très pertinente, et d’une acuité sans faille, l’analyse et plaidoyer de Ross ne souffre pas l’ombre d’un doute : « La décision était mal considérée et dangereuse parce que peu ou pas de réflexion sur ses conséquences sur trois fronts le processus de négociation, la région et la politique américaine ».
L’annonce de Trump est donc négative et contre-productive. En ce qui concerne la région, rendre les négociations plus difficiles retardera encore plus tout progrès vers la coordination régionale en matière de lutte antiterroriste et d’autres questions de sécurité et l’intégration régionale en matière économique La coordination et l’intégration sont essentiels pour la sécurité, la stabilité et le bien-être des États d’Afrique du Nord et du Sahel et, par extension, de l’Europe.
Ce n’st pas tout : « La décision de Trump bouleverse également l’équilibre délicat de notre posture dans la région en abandonnant la politique de neutralité relative et de désengagement qui nous a bien servi pendant des décennies en ce qui concerne le Sahara occidental. Ce faisant, elle a introduit un inutile irritant dans nos relations avec le principal partisan du Front Polisario, l’Algérie, un pays avec lequel nous avons d’importantes relations économiques, commerciales et de sécurité ». il est donc impératif que Washington recouvre au plus tôt son statut de « pen holder » au sein du conseil de sécurité concernant le Sahara Occidental.
Mohamed Abdoun